samedi 30 juin 2012

4 avril. ... 04-04 tiens...

            Mes souvenirs de rêves sont très flous.
            // Une forêt de sapins et bonzaïs enneigés dans le brouillard au détour d’un sentier de montagne.
L’encadrement d’un groupe d’enfants dans un endroit perdu, avec des gros sacs lourds ; en plein milieu d’une forêt clairsemée à travers on aperçoit montagnes et cascades.
Un gymnase avec les mêmes enfants, que Manue m’aide à encadrer.
Manue qui m’ausculte (?!).
Une cabane au pied d’une raide pente d’éboulis, dans des bois sépia. //

Le lien entre ces éléments me reviendra peut être, plus tard. J’ai écouté la bande son d’Into the wild, mais je ne me suis pas endormie de suite. (Ca changeait de Finntroll hier aprem.. ! Je trouvais que ça allait tellement bien à la météo qui se moquait de nous. Avec sa brutalité et son ironie festive.)
François est sorti de la chambre vers 6h30, je suis descendue lui dire au revoir. Manue et Xavier aussi (heureusement car la porte avait claqué et je n’avais pas pris de clé).

 
8h40. Je suis sur un fauteuil rose, devant un mur jaune. Il a neigé dans la vallée un peu plus loin, et sur la colline de pierres difformes qui surmonte la ville. Je vais faire mon sac et manger. Mon stylo est presque vide.

13h13. Notre progression en organisation de sacs est incontestable. On a même réussi à libérer la chambre pour 10h. J’ai failli me retrouver avec un string et un boxer en trop, mais ils ont retrouvé leurs propriétaires ; qui n’avaient pas encore lancé d’avis de recherche. (Hm !) Les chaussures de François n’ont pas trop imprégné la chambre, par contre le placard ou les six paires ont mariné est bon à jeter ! Changez de placard ! Je ne sais pas ce que les suivants pourront mettre dedans.
Derniers préparatifs avant le départ (encore) : copies sur un deuxième disque, formatage des cartes, achat de biscuits ronds, de billets de bus et pour la troisième fois en deux jours, extraction d’argent d’une machine peu coopérative (vive la commission fixe). Réservation d’une auberge à El Calafate par l’intermédiaire de l’hôtesse d’accueil (je ne me souvenais pas que ce métier avait un tel nom jusqu’à ce qu’Alexandre reçoive une lettre de motivation de la part d’une telle hôtesse, hier (ahahahahaaa)). On aura une chambre de 10, avec cinq autres probablement donc.
J’extrapole des techniques de dé-coinçage de pots de confiture au dévissage de filtres. Innovation notable : le remplacement de l’élastique caoutchouteux par le revêtement du câble d’alimentation de ma frontale. (Mc Giver) (éhé).
Aller, on y go ! Il y a toujours une perturbation coincée un peu plus loin, les montagnes blanchissent. A chaque fois qu’elles ressortent des nuages, elles ont pris une teinte de blanc en plus. Mieux que le dentifrice !


            ‘In the darkness, bind them’.... j’ai cette phrase (musique, parole) dans la tête ; en pensant à la fois à l’image d’Alexandre qui porte ce titre ( ) et à quelque chose d’encore beaucoup plus hostile, plus froid. Et pourtant je marche dans une étendue de couleurs chaudes, même si derrière il y a des montagnes totalement blanches et qu’il neige légèrement. Un chinois soupirant vient de me croiser... avant, je marchais avec Manue ; et les garçons allaient toujours plus vite, devant. Pourtant on ne marche pas si lentement ... on a mis 1h15 au lieu des deux heures annoncées  pour l’instant je crois. Il doit être 16h30 maintenant.
            On a croisé ... beaucoup trop de monde. ... Etrange, car la ville est déserte. Mais sur les chemins, les touristes sont toujours là. Un groupe de chinois éparpillé... c’est une migration de chinois. L’envahissement. Un homme qui pissait n’importe où ; deux qui écoutaient une radio planquée dans leur veste, ceux qui transportaient leurs sacs de couchage dans un sachet à la main ... Et aussi la sorcière. Elle nous a fait peur. On a rattrapé les garçons juste après l’avoir croisée, mais eux ne l’ont pas vue. Cette dame était vraiment effrayante... elle avait un châle, un peu enrobée, des boutons sur le nez, des yeux sombres... un visage marqué par le temps.... et elle nous a dit, d’une voix très grave qui semblait détachée d’elle ‘’Hola.’’ Comme si c’était une sorte d’enregistrement, ou qu’elle était ventriloque ; sans bouger les lèvres. Bon elle a continué son chemin... heureusement elle ne m’a pas dit que ma vie dans ce monde allait bientôt s’achever parce que sinon j’aurai commencé à péter à plomb. D’ailleurs d’y penser, ça m’effraye un peu quand même... de penser à mon rêve et cette dame en même temps. J’ai l’impression qu’il y a un lien. Hum.


    On est entrain de marcher pour aller au camp Rio Blanco. Le Fitz Roy a failli sortir ; on est allé à la cascade pour voir s’il allait émerger ... mais en fait il est resté bien emmitouflé dans ses écharpes de nuages givrés. Mmh je marche à des endroits ou il y a eu de la neige ce matin, reste quelques petits tas au sol.
            Quand on est arrivé au Mirador Fitz  Roy, il n’y avait toujours pas de woodpeckers... par contre, le fait de voir les géants de pierre totalement blancs jusqu’à leur pied m’a vraiment impressionnée. Je pense que je suis encore à environ ¾ d’heure du camp ; je traine un peu avec ce dictaphone et les problèmes intrinsèques qui vont avec : si je marche plus vite, déjà, on m’entend souffler dedans ; et ensuite on ne m’entend plus à cause du vent. 



            Nous sommes à la cabane. On a mis un peu moins de trois heures à venir, avec la pause à la cascade (ça va). Il fait -1°C, dedans (un peu comme dehors). Il y a un peu de neige, sur un côté des troncs aussi, c’est assez magique... On a planté nos tentes autour ; et on essaye de faire un feu dans le même pot que l’année dernière ... mais avec moins de succès. Pot qu’on a préalablement vidé de tous les pions d’échec et cartes qui étaient dedans, ainsi que de son mégot de cigarette et bouts de lichen. En tout cas pour l’instant ça ne prend pas, malgré les 4 feuilles de mon carnet, et les 4 pages sacrifiées du livre de Manue. On a pris toute la place, les 5 sacs sont étalés par terre, les sacs photos sur les tables, les vestes pendouillent...ainsi que les sacs de nourriture, un peu partout. On s’est installé, quoi. J’aime bien être ici.


              Il est 21h ... on va dormir, bientôt..... Il fait très sombre dans cette forêt ; une sorte de grésil rebondit jusqu’à nos toiles, créant un crépitement louche. Les arbres bougent et de la lune émane une clarté mouvante. Et en plus, il y a une sorte de toile de tente accrochée dans l’abri d’à côté, avant le camp. C’est vraiment bizarre, avant il y avait quelqu’un, maintenant c’est désert ; mais la toile reste accrochée dans un coin, avec des cailloux devant. On n’arrive pas trop à savoir ce que c’est. J’ai cru plusieurs fois entendre du bruit, je suis allée voir ... rien. Un couteau posé à côté. ... Étrange.

vendredi 29 juin 2012

3 avril.

            // Une carte. Des coffres à retrouver. Six. Des boules dorées visées avec des boulons de bronze cuivré. C’est une sorte de chasse au trésor, une quête. Les sphères d’or sont dissimulées à des endroits divers. On y va.
            J’avais déjà entamé des recherches avec ma mère dans un passé relativement lointain, mais abandonné. Cette fois, on va réussir. On est parti d’une ville touristique perdue, longeant des pistes de gravier par des trottoirs de béton. Un 4x4. On quitte les bâtiments. Maintenant plus rien. Personne. On arrive à la cascade après un moment. Le ciel est moutonneux, des rayons effleurent l’eau. La chute saute d’une falaise brunâtre aux motifs curieux. La première sphère est par là. Je m’avance sur un rocher émergeant, regardant dans l’eau transparente les teintes magiques des profondeurs.
            François a le gps. Le point est plus à droite. Je me mets à l’eau et avance. Encore un peu, avance, un peu à gauche, stop. C’est là. J’ai de l’eau jusqu’aux genoux. Je ne vois plus à travers (et n’en suis pas étonnée). Je plonge la main et ressort le coffre métallique. Je suis surprise de l’exactitude des points gps. Impressionnant. On s’assoie autour d’un arbre sur la rive pour ouvrir le butin. Des pièces diverses, bijoux ; et un pantalon, une chemise et un pull. A ma mère. On les avait donnés en échange de ce qu’on avait pris, je m’en souviens maintenant. Remettre le coffre à sa place, et remplacer ce qu’on prend par autre chose, que si quelqu’un d’autre le trouve, il y trouve quelque chose. Je me rappelle qu’elle tenait à cette chemise. Je vais la lui rendre. On prend un peu de pièces dans un sac à dos orange de la même couleur que l’arbre, et on repart.
            On fait confiance au gps pour la localisation du suivant. J’y ai déjà été aussi. Les trois derniers seront plus complexes, il ne restera que la carte pour chercher dans une étendue glacière isolée… Je me demande où pourront être cachés les coffres là bas. Peut être dans des cavités de glace inconnues…. En attendant, on se dirige vers un village oublié. Les petites maisons sont blanches avec un toit de tôle ou de chaume. Beaucoup de monde. Tous au teint halé et aux cheveux noirs. Ils se bousculent dans les boutiques pendant qu’elles sont ouvertes. Du pain. Des vêtements. Que le nécessaire. On va dans la boutique des tisseurs. La sphère est dans un tiroir, je le sais. Je dois demander à l’ouvrir dans je ne sais quelle langue, mais j’y arrive. On déboulonne, … vide. Rien. Que quelques chutes de tissus effilés. C’est impossible, c’est une règle ; ne jamais vider totalement ( !). Je vais dire à la gardienne de la boule qu’il y a un problème. Elle me dit d’attendre, du monde est entré dans la petite pièce sombre parsemée d’étoffes rayées (bleu foncé / blanc cassé). Quand on est a nouveau seuls, elle me dit qu’ils ont besoin d’aide, dans son village. Seules les personnes qui font cette quête sont en mesure de leur porter secours. Il faut y aller.
            Elle m’indique une trappe sous le plancher de planches blanches. On passe dans un souterrain étrange, qui traverse les montagnes. Et arrive dans une vallée inexistante. Enfin sur aucune carte. Il fait nuit encore. Il faut accomplir des travaux difficiles pour sauver la ville, succession parallèle de petites baraques de bois. Une tempête approche… Il faut tout arrimer… Pourtant, des étoiles et galaxies inconnues scintillent sans fin au dessus de nos têtes. On va dormir sur des paillasses de jute.
            Le lendemain, c’est la cohue. Tout le monde se bouscule pour faire des provisions. J’arrive trop tard pour l’eau potable. Et en plus je n’ai pas amené de sachet. Ils mettent l’eau en sachets, ici. Je dois faire des courses aussi pour Alexandre. Et revenir ce soir à la boulangerie où ils vendent l’eau. On aura soif aujourd’hui. Tant pis. Il reste ma gourde, les autres pourront la prendre, je n’en aurai pas besoin. On creuse une tranchée autour des maisons ; avec les outils qu’on trouve. Pelle. Pioche. Mains. Les villageois ne se plaignent pas sous le soleil de plomb. La sueur dégouline le long des visages concentrés. Ils ont besoin d’aide dans la galerie. J’ai une vision de centaines de personnes tirant sur une corde pour tracter quelque chose grâce à des poulies. Viviane est là. Nous sommes donc en Nouvelle Zélande. Comme les autres, elle est vêtue de lambeaux de tissus usés, et ses pieds nus glissent dans la grotte de pierre terreuse.
            Je pars les aider. De toute façon, on est coincé là. La cité est au milieu d’un désert ; entouré d’une chaine de montagnes rocheuses ; des falaises sombres parsemées de touffes épineuses. C’est vraiment une cité perdue. Pas encore découverte. Pour partir, on doit finir de les aider. Les fortifications. La tranchée. Les courses (bordel).
            C’est le soir. Je suis épuisée. Il faut que je cherche de l’eau. Alexandre attend à l’’’auberge’’. Je passe par la pâtisserie. Ils ont un arrivage de tiramisu. Ils démoulent les gâteaux sur une plaque de métal. Ils s’aplatissent un peu. Le groupe n’aime pas leur aspect… moi ça me tente assez, mais je n’aurai peut être pas assez, justement. Il n’y a toujours pas d’eau. Demain. J’ai soif. Faim.
            Je retrouve Alexandre qui attend à l’auberge… en mangeant un tiramisu. Gné. J’ai toujours faim, mais bon. Je prends la framboise sur le dessus, et je vais m’allonger sur ma paillasse en priant pour me réveiller assez tôt pour chercher à boire. Quand ce sera fini, on aura notre sphère dorée. J’espère. … //

            Je me suis éveillée assez tôt. Manue a bloqué la fenêtre pendant la nuit avec ce qu’elle avait sous la main : une barre isostar. J’ai regardé le ciel s’éclaircir, à travers le rideau. Les lumières des lampadaires s’atténuer au profit du jour. Ecouté un peu de musique (vol. 7). Enfilé mon pantalon. Et sortie, en tentant d’être discrète et de ne pas troubler les cinq respirations régulières qui emplissaient la chambre d’un calme agréable. Pieds nus et en débardeur, je suis allée voir à une fenêtre. Grand beau. Un lenticulaire boutonneux, enfin moutonné plutôt, rose-rouge vif, surmonte la forteresse et ses remparts. Le temps se fiche vraiment de nous.
            Je suis descendue, ai allumé l’ordinateur, essayé de charger la page d’accueil, éteint, … retournée m’asseoir en haut sur un fauteuil près de la fenêtre. La porte est ouverte. Il fait froid. 

 
Les autres sont arrivés un par un : Xavier, Manue, François, Mathieu qui pensait qu’il était 11h et Alexandre après sa douche. On a pris le petit déj, tout s’est mélangé, mon pain avait mystérieusement disparu donc on a partagé celui des autres, du coup les lait, beurre et céréales que j’avais acheté aussi, … Bon. C’est compliqué ces histoires. J’aimerai bien dire que je m’en fou, aller, que j’invite tout le monde. Ca m’énerve un peu. M’attriste aussi. J’ai envie d’envoyer un nouveau mail à mon voleur mais je crois qu’il n’a pas lu le précédant. Ca me défoulerait peut être quand même. Mmh.

J’ai cherché le linge, il est 10h30. J’ai lâché mes cheveux dans le vent. C’était agréable. Je suis à moitié allongée sur mon lit en bas, Alex regarde surement ses mails au dessus, Manue lit ; à côté l’ordinateur charge. Je viens de penser que Manue n’a peut être pas pensé à déduire la facture de la boulangerie où j’ai payé ma part, avant de calculer ce que je leur devais. Je me déteste quand je suis comme ça.



  

23h. La journée s’est passée à se balader dans les environs (rayon de 500m pour Mathieu, Alexandre et moi ; 3km pour Xavier et Manue et 4 ou 5 pour François, qui est courageusement parti vers le paso del viento malgré l’imminence de la tempête… et revenu au bout d’1h30 alors que la pluie diagonale l’avait rattrapé. Je suis allée dans divers magasins à la recherche de chocolats de Pâques et de mascarpone. Premiers, c’est dans la boite ; mascarpone ici ça tiendrait d’un miracle j’ai l’impression. On a tous fait nos courses pour le trek en se rejoignant à un (des 50) supermarché bleu suite à un nombre élevé de croisements sans se voir, le menton coincé dans la capuche et concentrés pour éviter les flaques. On est fin prêts pour notre nouvelle aventure … de 48h. Ahah. J’ai pris autant de nourriture que pour les 5 jours, au moins.
Avec Manue, on est aussi parties braver le cyclone hargneux et mouillé pour chercher des billets de bus. Un tiers de plus pour le tarif de retour à Calafate, ‘sont pas gênés je trouve ! Quatre compagnies, 1h, et une déambulation abstraite plus tard, on est arrivés à la conclusion qu’on ne trouvera rien sous les 85$, qu’on a besoin des passeports pour réserver (donc attendu pour rien), qu’il n’y a pas de bus entre 13 et 18h30, qu’il fait toujours mauvais, qu’un chien à l’œil vitreux nous observe et que les garçons vont se demander où on est passé. Ahem.
Mathieu a réussi par le langage des signes à faire tamponner son passeport qu’il avait oublié la dernière fois. On s’est tous retrouvé finalement, et on a chacun fait l’acquisition d’un des trucs qu’on mangerait ce soir (pâtes, sauce tomate, parmesan, …) ou demain (confiture, lait, céréales). On est fin prêts (à manger) ! François arrive avec une bouteille de vin, une de bière, des gâteaux et des cacahuètes. L’eau n’arrive pas à bouillir. Hum. La pluie s’est arrêtée, le vent réduit, la température se fraye un chemin vers les abimes.
 Ah oui, pour me permettre tout ça, j’ai commencé par manger enfin mon riz à midi, alors que les autres s’étaient éparpillés en divers lieux, et j’ai enfin réussi à contacter ma mère (qui a ainsi pu me confirmer la non réception de ma lettre) ; en payant 30$ l’appel, … mais qui m’a permis s’avoir le code d’accès pour consulter mes comptes, que je vais essayer de retenir cette fois (ça devrait aller, j’avais oublier d’apporter du papier et je le connais encore.) Héhé ! Il me reste assez pour survivre jusqu’à la fin. C’est bien. Bon je dois toujours 500€ par ci par là mais … euh. On verra au retour. Mmh.
Pour l’instant, trivial poursuit avec Alexandre (il va encore gagner) et repos. François part demain à 7h.

jeudi 28 juin 2012

2 avril.

            // C’était enfin fini. Plus de fac, plus d’exams, de conneries comme ça ; pour le moment. J’étais heureuse. Il faisait presque beau, quelques nuages se baladaient  dans un ciel bleu azur. J’étais en voiture, je ne sais pas avec qui. On roulait entre des collines herbeuses, dont les graminées ployaient sous le vent.
            Personne. Juste la route et des étendues sans fin. Je voulais aller flâner, sans rien avoir à faire. Quelques photos, peut être… ou même pas. On s’arrêtait au milieu de nulle part et je sortais courir avec le vent. On voulait aller à une ruine. Un vieux château croulant sur un monticule dominant. Avec une vue sur une étendue d’eau splendide. J’ai grimpé sur les murs de pierre grise de l’ancien monument. Sensation de liberté.
            On est repartis, je voulais voir pleins d’endroits, tellement de choses. Un assemblage de monolithes perdus dans une contrée herbeuse. Joli contraste du gris et vert mouvant de l’herbe ; avec le ciel qui se couvrait doucement. Puis la mer. Je suis tellement allée en montagne, maintenant, l’océan. Je devais rejoindre le groupe. Je me réjouissais. Je me suis assise sur un muret de pierre, sous les collines et surplombant des vagues turquoises infinies surmontées d’écume blanche. Avec des rayons de soleil qui donnaient une transparence et une couleur incroyable. Vraiment beau. Je réfléchissais à tout ce que j’avais encore à faire.
            Une dame assez âgée, une voyante, s’est avancée. Elle m’a demandé le plus naturellement du monde si je savais que mon chemin ici allait bientôt s’achever. Je n’étais qu’à moitié surprise. Oui, je le savais, depuis longtemps… mais je ne pensais pas si tôt… ! Maintenant, c’est dommage. Inéluctable, mais regrettable. Elle m’a dit qu’elle était désolée, de me l’annoncer, et que ça se produise. Elle n’y pouvait rien. C’était comme ça. Ca commençait à m’effrayer. Un peu.
            J’ai regardé autour de moi. Les collines, le château. Un bâtiment au loin. L’herbe. Un vendeur de glaces, quelque part sur la plage. Je suis descendue du muret et ai avancé vers l’eau. Un petit sentier y menait. Les vagues étaient magnifiques. Emeraude, dégradé vers un bleu profond, crête blanche. J’ai marché jusqu’à l’eau. Me baigner dans les vagues faisait partie de ce que je voulais encore faire. J’ai avancé. Jusqu’à la taille. Des successions de montagnes liquides venaient se briser sur mes hanches.
            Une déflagration est venue de la plage. La balle de fusil m’a traversé le torse. J’ai vu le sang tacher ma chemise, et j’ai senti que je chancelais. J’ai ordonné à tous mes muscles de m’obéir encore. Une dernière fois. J’ai marché doucement vers la plage. Et je me suis effondrée, encore à moitié dans l’eau. Je sentais le liquide salé entrer en moi, là ou le sang sortait. Quelqu’un a couru vers moi ; Je savais que c’était fini. C’était arrivé vite. Une sensation de froid m’envahissait lentement, alors que le soleil essayait de me réchauffer. La personne est arrivée jusqu’à moi. Je me suis concentrée et ai levé la tête. ‘’Il n’y a rien à faire.’’ Elle ne voulait pas y croire. On m’a porté jusqu’à une dune de sable sec. Le sable se mêlait à l’eau à l’intérieur de moi. Je voulais garder les yeux ouverts. Jusqu’au bout. //

            C’est étrange de se réveiller en se pensant mort. Vraiment. Drôle d’effet. J’ai re-rêvé de la mer turquoise et des vagues ensuite. Et d’une plage de sable fin, blanc ocre. Je ne me suis pas levée pour le lever de soleil. J’ai regardé depuis l’abside de la tente les nuages se colorer en rose, puis un bout des contreforts, la pointe Poincenot (dont Alexandre a rêvé qu’elle tombait). Xavier, Manue et Mathieu sont allés aux ‘laquets’. Le rose a été très … court. Illumination, darkness, ré-illumination, absorption par une nuée grise (qui s’avérait être un lenticulaire, mais il n’en avait pas tellement l’air, depuis la tente… hum). Puis plus grand-chose. A part le démon cracheur qui nous souffle violemment dessus. 

            Mathieu est revenu, François a émergé et a cherché et fait chauffer de l’eau, j’ai bu mon thé et mangé ma compote lyoph. réhydratée tiède (assez bon) alors que Xav et Manue revenaient. On a commencé à remballer assez tard, fini encore plus tard. Etrange de quitter ce lieu. J’ai envie de manger quelque chose, mais pas (du tout) envie de retrouver la ville (même petite) et la foule. Je crois que l’envie de manger est même reléguée au second plan. … Mais bon. 

 
11h. C’est parti… La violence du vent augmente, les arbres sont encore multicolores, mais la transition automnale a avancé. Beaucoup. Même météo qu’à mon premier retour à El Chalten, bourrasques encore plus violentes peut être. J’ai parfois du mal à avancer et à respirer. Les messagers siffleurs sont de retour. Je m’énerve toute seule, j’ai envie de leur crier dessus parfois. On est tous partis ensemble mais le groupe s’est disloqué dès l’apparition d’une sorte de bécasse au long bec dans les marais. Pas très farouche, mais pas assez téméraire pour prendre la pause. S’en suivent croisements divers, je dépasse Xavier, qui me dépasse, que je retrouve alors qu’Alex et Mathieu se sont arrêtés à côté de la rivière aux tons pastels, je rattrape Manue enfouie dans les buissons sur la rive de la même rivière ; François est toujours loin devant. On (Manue et moi) le retrouve affalé dans une plante verte méconnue.


Je retrouve la cascade devant le Fitz Roy (qui a disparu). On y descend en laissant les sacs au bord du chemin pour que les trois garçons manquants nous retrouvent, et on tente quelques images, moi tenant le trépied à deux mains (limite suspendue dessus) alors que le vent essaye de me le prendre, souvent par surprise (traitre). Je l’injurie un peu, de toute façon on n’entend rien. Changement de batterie au bord d’un monticule rocheux avec le trépied sous le coude droit et l’appareil sur le genou gauche pendant que les filtres s’envolent et que je penche de façon inquiétante vers le bord. Mh.
Le sommet de la forteresse, avec ses dalles lisses et ses fissures, apparait rarement. Sorte de fantôme, de rêve hallucinatoire. On fini par remonter trouver nos sacs ; … pas de garçons (mmh ?) Ils sont où ? Ils auraient du remarquer les sacs et comprendre… ou alors ils ont tracé vers la ville… On ne sait pas. On repart.


Je raconte mes rêves louches à Manue, François a pris le large. Elle manque de se prendre une splendide gamelle grâce à un auto-croche-pied d’une efficacité rare, en traversant une des forêts chaotiques de bonzaïs géants aux feuilles miniatures. Des bonzaïs serrés (toujours le questionnement arbre = buisson ? (ou pas ?), des bonzaïs espacés, des grands, des petits, des touffus, des larges, des squelettiques, des hauts ; puis les touffes piquantes, la vue sur la vallée (qui me fait toujours songer à l’Islande), les rideaux de pluie qui nous poursuivent, les arbres verts, les touristes, les familles, une fille avec mini jupe, sandales et sac à main en faux croco brillant (moche), la dernière forêt et François à moitié endormi dans l’herbe. Et toujours pas les autres. Je commence à m’inquiéter pour le genou de Mathieu, j’espère qu’il n’y en a pas un qui doit porter sa charge.
Et d’un côté, ils pourraient être déjà à l’auberge. On a parlé de patates rôties. J’ai faim. On y va.


Chambre 6 (pas 9 comme la dernière fois) ; Alexandre arrive en 3ème position, Mathieu un peu plus tard. Enfin Xavier. Les chaussures sont posées sur le rebord de fenêtre, on est allé manger des empanadas dans une boulangerie alors que le vent se levait pour de bon.
Fin de la caisse commune, début de la fin pour moi. Je leur dois 410$. Gnarg. Ça ne servait à rien de prendre moins de choses ou des choses moins chères… (Pfff). J’en ai marre... Quand est-ce que je gagne au loto pour pouvoir inviter tout le monde ?! Gné. GN. Les 500$ que j’avais sortis ont donc déjà disparu, il faut que j’en ressorte, pour payer le bus, LES bus, les auberges, les courses, … 60$ Calafate, 75$ Puerto je crois ; 60$ x 2 pour l’auberge + celle de François … (> plus de 255$, déjà).

On a fait la lessive, je suis retournée chercher de l’argent ; j’ai fait les courses petit déj. pour Alexandre et moi (il était resté à l’auberge) alors que les autres sortaient du magasin ;... c’est la tempête dehors. Des rideaux de pluie, vagues déferlantes en lévitation, tout qui s’envole, portes qui claquent. On a réservé pour un restau. Je suis vraiment plus économe seule. Il faut que je me raisonne et me décide d’aller manger mon riz à l’auberge seule, mais j’y arrive pas, c’est plus sympa avec l’équipe ; enfin ça ferait un peu nombriliste, j’en sais rien, je ne sais pas ce qu’on penserait de moi ; que je suis grippe-sous peut être et râle sur le moindre euro. Je n’ai pas envie de ça. Je suis un peu partagée (écartelée). Tsss (idiote).
Depuis l’auberge, on contemple le chaos ultime, le lenticulaire en anneaux qui semble projeter sa colère depuis les contreforts du Fitz Roy ; les arbres qui ploient, les murs qui vibrent, les fenêtres qui tremblent à l’idée de se faire briser, les tourbillons de poussière qui s’élèvent (les chaussures qui prennent un peu l’eau).


On est allé manger. Ils ont tous pris une entrecôte, pommes de terre et légumes. Moi une salade. Je le ferais rôtir à la broche, cet arnaqueur ... Voleur. Hm. J’ai gouté le tiramisu d’Alexandre. C’était bon. Mmh. Mais bon. Ils payent le vin. C’est déjà bien. Il faudra que je leur paye une bouteille, un jour. Au retour…
 J’ai envie de faire un tiramisu. Je vais voir peut être, si je trouve du mascarpone… Tiraillée entre cette envie de me faire plaisir, et de faire plaisir aux autres surtout, et cette obligation de ne pas dépenser. C’est fatiguant. Je m’en veux, en plus. C’est encore plus fatiguant.

La pluie s’est calmée mais pas le vent. On ne pouvait payer qu’en cash au resto, j’ai avancé 400$ aux autres. En plus de ma salade à 30$. J’aimerai tellement ne pas avoir à compter… On est allé dormir, j’ai mis Apocalyptica en sourdine et je me suis serrée dans mes bras. J’ai attendu longtemps. J’ai fini par éteindre la musique. Et par sombrer.